Créer son entreprise en Suisse implique un choix fondamental : la forme juridique de la société. Ce choix détermine non seulement le fonctionnement de l’entreprise, mais surtout le niveau de responsabilité personnelle de l’entrepreneur.
En d’autres termes, selon que vous optiez pour une raison individuelle (RI), une société en nom collectif (SNC), une société à responsabilité limitée (SÀRL) ou une société anonyme (SA), les risques que votre patrimoine privé soit engagé en cas de problèmes varient considérablement.
Cet article vous explique quelles sont les responsabilités encourues par un entrepreneur pour chacune de ces formes juridiques, quels risques elles impliquent et illustre ces différences par des exemples concrets.
L’objectif est de vous aider à choisir la structure la plus adaptée à votre projet en toute connaissance de cause.
Plus d’explication sur les types de société en Suisse, découvrez notre vidéo dédiée à ce sujet sur notre chaîne Youtube.
Entreprise individuelle (RI) – Liberté maximale, responsabilité illimitée
L’entreprise individuelle séduit par sa simplicité, mais elle engage également l’entrepreneur.
Définition et caractéristiques
L’entreprise individuelle, aussi appelée raison individuelle (RI), est la forme juridique la plus simple pour démarrer son activité en solo. Elle ne requiert aucun capital minimum et les formalités de création sont réduites au strict minimum.
Par exemple, l’inscription au Registre du commerce n’est obligatoire que si le chiffre d’affaires annuel dépasse 100’000.- CHF. Le nom de l’entreprise doit inclure le nom de famille du fondateur, soulignant que l’entreprise et l’entrepreneur ne font légalement qu’un.
Responsabilité de l’entrepreneur
C’est l’envers de la médaille de cette simplicité. En choisissant la raison individuelle, vous engagez l’entièreté de votre patrimoine personnel dans l’activité.
La responsabilité est dite illimitée : l’entrepreneur est personnellement responsable de toutes les dettes de l’entreprise, sans limite de montant. Concrètement, cela signifie que vos biens privés peuvent être saisis par les créanciers en cas de difficultés financières de l’entreprise.
Par exemple, dans le secteur du bâtiment, un indépendant qui cause par inadvertance de gros dégâts sur un chantier pourrait devoir indemniser les dommages avec ses biens personnels (maison, voiture, économies), si son entreprise individuelle ne peut y faire face. Ce risque élevé pour le patrimoine privé est le principal inconvénient de la raison individuelle.
Exemple : Cas d’une faillite en RI
Imaginons un entrepreneur individuel qui tient une petite entreprise de construction. Suite à des malfaçons, il doit 50’000.- CHF à un client mécontent, mais son entreprise ne dispose pas de cette somme.
Étant en raison individuelle, il devra combler cette dette sur ses fonds propres. Ses biens personnels – compte épargne, véhicule, voire logement – pourront être utilisés pour rembourser le créancier, car aucune séparation juridique n’existe entre ses avoirs privés et ceux de l’entreprise. On comprend dès lors pourquoi la raison individuelle est à double tranchant : très facile à créer, mais dangereuse si l’activité comporte des risques financiers importants.
En résumé, l’entreprise individuelle offre autonomie et simplicité, mais fait peser tous les risques sur l’entrepreneur. Il faut donc être sûr d’avoir une activité maîtrisable et une bonne assurance, ou un patrimoine suffisant pour assumer les coups durs. Beaucoup d’indépendants (consultants, artisans, commerçants) débutent en RI pour sa facilité, tout en sachant que leur responsabilité n’est pas limitée.
N’hésitez pas à consulter notre vidéo explicative pour tout savoir sur la raison individuelle en Suisse.
Société en nom collectif (SNC) – À plusieurs, pour le meilleur et pour le pire
La SNC permet de s’associer pour entreprendre ensemble, mais ce choix implique aussi de partager les risques financiers.
Définition et caractéristiques
La société en nom collectif (SNC) est la forme juridique indiquée lorsque plusieurs personnes s’associent pour créer une entreprise commune.
Comme la RI, c’est une société dite de personnes : il n’y a pas de personnalité morale distincte de celle des associés. Aucune exigence de capital minimum n’impose de fonds propres de départ. Cependant, contrairement à la RI, l’inscription au Registre du commerce est obligatoire dès la création de la SNC, quelle que soit sa taille. La gestion est partagée entre associés, ce qui nécessite une bonne entente et peut ralentir certaines décisions.
Responsabilité des entrepreneurs associés
En choisissant la SNC, on partage certes l’aventure entrepreneuriale, mais aussi les risques. Les associés assument une responsabilité solidaire et illimitée pour les dettes de la société.
- Solidaire signifie que chacun des associés peut être tenu pour responsable de la totalité des dettes de l’entreprise. En clair, un créancier peut poursuivre n’importe lequel des associés pour le montant entier d’une dette sociale.
- Illimitée implique que, comme en RI, le patrimoine privé de chaque associé peut être engagé sans plafond en cas de créances impayées. Il n’y a toujours pas de distinction juridique entre l’entreprise et les personnes : les fortunes privées des associés font corps avec la société.
Exemple pratique :
Supposons deux associés qui montent ensemble une entreprise de rénovation (forme SNC). Un an plus tard, des problèmes financiers surviennent : l’entreprise a accumulé 200’000.- CHF de dettes. Si l’associé A n’a pas les moyens d’y faire face, les créanciers pourront exiger de l’associé B le paiement de la totalité de la somme.
L’associé B devra payer non seulement sa part, mais éventuellement aussi la part de A défaillant. Ce dernier restera redevable envers B selon l’accord interne entre associés, mais vis-à-vis des créanciers externes, B peut être poursuivi pour 100% des 200’000.- CHF. Ainsi, avec la SNC, on est liés pour le meilleur et pour le pire : chaque partenaire porte sur ses épaules l’ensemble des dettes si les autres ne peuvent pas payer.
En résumé, la SNC est facile à constituer à plusieurs et permet de mettre en commun compétences et ressources. Mais en contrepartie, chaque entrepreneur y prend un risque personnel majeur, car il doit non seulement assumer ses propres erreurs, mais aussi éventuellement celles de ses associés. Il est donc essentiel de s’associer en toute confiance et de prévoir des accords internes (pacte d’associés) pour répartir les responsabilités en interne – même si cela n’amoindrit pas la responsabilité de chacun vis-à-vis des tiers.
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Société à responsabilité limitée (Sàrl) – Protection du patrimoine personnel moyennant un cadre formel
La Sàrl est très répandue en Suisse, car elle combine souplesse pour les PME et protection du patrimoine privé.
Définition et caractéristiques
La société à responsabilité limitée (Sàrl) est la plus courante des sociétés de capitaux pour les PME en Suisse. Contrairement aux sociétés de personnes (RI, SNC) évoquées plus haut, la SARL possède sa propre personnalité juridique distincte de celle des fondateurs.
La SARL peut être créée seule ou avec plusieurs personnes, physiques ou morales. La loi exige un capital social minimum de 20’000.- CHF pour la constituer, ce qui implique de disposer de fonds de départ (à déposer sur un compte de consignation bloqué jusqu’à l’immatriculation de la société). L’inscription au Registre du commerce est obligatoire d’emblée, et la SARL doit fonctionner selon des statuts écrits, avec une gestion formalisée (gérant(s), assemblées des associés, etc.). Ces démarches ont un coût et une certaine lourdeur administrative, mais elles structurent l’entreprise de manière plus professionnelle.
Responsabilité de l’entrepreneur
C’est ici que la SARL se distingue fortement des formes précédentes : l’entrepreneur y bénéficie d’une responsabilité limitée. En effet, les dettes de la société ne sont en principe garanties que par l’actif de la société elle-même.
Les associés (y compris le fondateur, s’il est associé unique) ne sont responsables des obligations de l’entreprise qu’à hauteur de leur apport en capital et pas au-delà. Autrement dit, votre patrimoine personnel est protégé : en cas de faillite de la SARL, vous ne perdez en théorie que les fonds que vous aviez investis dans le capital, et pas votre maison ni vos économies personnelles. Cette séparation nette entre vos biens privés et ceux de la société est précisément le but de la SARL (responsabilité limitée est dans son nom).
Illustration – l’entrepreneur protégé par sa SARL
Reprenons notre exemple d’un entrepreneur du bâtiment confronté à une lourde dette suite à un sinistre. S’il exerce sous forme de SARL, c’est la société qui sera tenue responsable vis-à-vis des créanciers, et non lui en tant que personne privée.
Les créanciers pourront saisir les actifs de la SARL (machines, véhicules appartenant à la société, compte bancaire de la société, etc.) mais pas les biens personnels du gérant. Le fondateur perdra sans doute son investissement initial (par exemple les 20’000.- CHF de capital social), mais son appartement personnel, sa voiture privée et ses comptes bancaires à son nom seront à l’abri.
Cette limitation de responsabilité est un atout majeur pour les activités à risque : en séparant votre patrimoine de celui de l’entreprise, vous mettez vos avoirs personnels en sécurité.
Exceptions et obligations
Bien sûr, la protection de la SARL n’est pas absolue en toutes circonstances. Un dirigeant de SARL doit respecter la loi et ses devoirs de gestion. En cas de faute grave, de fraude ou de violation des obligations légales, les tribunaux peuvent décider de le tenir personnellement responsable de certaines dettes, levant ainsi partiellement le voile de la responsabilité limitée.
Par exemple, si un gérant détourne des fonds de la société ou tarde volontairement à déclarer une faillite imminente, sa responsabilité personnelle peut être engagée malgré la SARL. Mais pour un entrepreneur de bonne foi, ces cas restent exceptionnels. En pratique, la SARL offre une sécurité juridique appréciable.
Il faut noter qu’en échange de cette protection, la contrepartie est une gestion plus rigoureuse de l’entreprise. La SARL implique des coûts de création un peu plus élevés (frais notariaux de 490.- CHF HT avec Entreprendre.ch, inscription au RC d’environ 600.- CHF), une tenue de comptabilité plus stricte et des obligations légales accrues (par exemple, établir des comptes annuels).
L’entrepreneur doit donc assumer ces responsabilités administratives. Malgré cela, la SARL est souvent recommandée pour les entrepreneurs qui prévoient de prendre des risques importants ou de développer leur activité avec éventuellement plusieurs associés. C’est un équilibre entre flexibilité (entreprise à taille humaine) et sécurité (patrimoine privé à l’abri).
Pour plus d’information, découvrez notre vidéo dédiée à la SARL en Suisse.
Société anonyme (SA) – Grande entreprise, risque réparti et formalités renforcées
La SA est idéale pour les projets ambitieux et les levées de fonds importantes, mais elle s’accompagne d’un cadre plus exigeant.
Définition et caractéristiques
La société anonyme (SA) est l’autre grande forme de société de capitaux en Suisse, prisée pour les projets de plus grande envergure. Elle convient si vous envisagez d’accueillir de nombreux investisseurs ou actionnaires, ou de lever des fonds publiquement (par exemple via la bourse ou des actionnaires externes).
Le capital-actions minimum est de 100’000.- CHF, dont au moins 50’000.- CHF doivent être libérés lors de la création. Là encore, la création se fait par acte notarié, avec inscription obligatoire au Registre du commerce. La SA se distingue par la possibilité d’anonymat des actionnaires (sauf pour les administrateurs inscrits), ce qui peut être un avantage pour la confidentialité des investisseurs.
En contrepartie, la gouvernance est plus complexe : il faut un conseil d’administration, des assemblées générales, et potentiellement un organe de révision (contrôle des comptes) selon la taille de la société. La SA est donc généralement réservée aux entreprises de taille plus importante ou à ambition internationale, et son fonctionnement s’apparente à celui des grandes entreprises.
Responsabilité des fondateurs/actionnaires
Sur le plan de la responsabilité, la SA offre la même protection que la SARL. Les actionnaires d’une SA ne répondent pas personnellement des dettes sociales : leur perte maximale en cas de faillite est la valeur des actions qu’ils ont souscrites. Les dettes de la société ne sont garanties que par l’actif social de la SA, c’est-à-dire par le patrimoine de la société elle-même.
Le fondateur d’une SA, même s’il en est l’actionnaire principal, ne met donc pas en jeu ses biens privés au-delà de son investissement. Cette limitation de la responsabilité aux apports en capital permet à de nombreux entrepreneurs de se lancer dans des projets plus risqués ou de grande ampleur en répartissant le risque financier entre plusieurs investisseurs.
C’est d’ailleurs l’esprit même de la société anonyme : diluer le risque entre de multiples actionnaires qui ne se connaissent pas forcément, chacun n’étant engagé qu’à hauteur de sa participation.
Vous souhaitez mieux comprendre le fonctionnement d’une SA ? Regardez notre vidéo qui explique tous les points importants à connaître.
Important
Comme pour la SARL, un administrateur de SA peut voir sa responsabilité personnelle engagée s’il commet de graves manquements (gestion frauduleuse, violation du droit des sociétés, etc.). Par exemple, les membres du conseil d’administration ont l’obligation légale de déposer le bilan à temps en cas de surendettement avéré – s’ils ne le font pas, ils peuvent être tenus responsables sur leurs propres deniers. Mais là encore, en situation normale, les actionnaires et dirigeants honnêtes n’ont pas à craindre pour leur patrimoine personnel en cas de déconfiture de l’entreprise.
En pratique, la SA offre donc la meilleure protection juridique pour l’entrepreneur, au prix d’une plus grande complexité. C’est la forme privilégiée pour les entreprises qui visent une croissance importante, qui ont besoin de lever des capitaux significatifs, ou qui opèrent dans des secteurs à risques élevés tout en ayant les moyens de supporter des frais administratifs conséquents.
Par exemple, une entreprise du secteur pharmaceutique ou du BTP réalisant des chantiers de grande ampleur pourrait choisir la SA pour dissocier clairement les fortunes privées des actionnaires des risques industriels de l’activité. Toutefois, pour une toute petite structure, la SA est souvent surdimensionnée compte tenu de ses exigences (capital important et frais élevés).
Conclusion – Choisir la structure adaptée pour maîtriser sa responsabilité
En Suisse, la responsabilité de l’entrepreneur dépend directement du statut juridique sous lequel il exerce. Il est donc crucial de faire son choix en fonction de la nature de son projet, de son appétit pour le risque et de ses capacités financières.
En simplifiant, plus une structure protège le patrimoine personnel, plus elle demande en contrepartie de capital et de formalités. Une entreprise individuelle ne coûte presque rien à créer mais vous engage entièrement. À l’inverse, une SARL ou une SA demande un investissement financier initial et un cadre administratif strict, mais vous offre une bien meilleure sécurité en cas de coups durs.
L’équipe Entreprendre.ch se tient à votre disposition en cas de question ou si vous souhaitez des conseils personnalisés adaptés à votre projet
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Quel statut juridique choisir pour limiter sa responsabilité en Suisse ?
Pour protéger ses biens privés, la Sàrl et la SA sont les formes juridiques les plus adaptées. Le choix dépend aussi du capital disponible et des ambitions de croissance.
Quelle est la différence entre une raison individuelle et une Sàrl en termes de responsabilité ?
En raison individuelle, l’entrepreneur engage tout son patrimoine privé. Dans une SARL, la responsabilité est limitée à l’apport en capital, sauf faute grave de gestion.
Les associés d’une société en nom collectif (SNC) sont-ils protégés par leur statut ?
Non. Dans une SNC, la responsabilité est illimitée et solidaire : chaque associé peut être poursuivi pour l’intégralité des dettes de l’entreprise.
Pourquoi une Sàrl est-elle souvent privilégiée par les PME en Suisse ?
Parce qu’elle protège le patrimoine personnel des fondateurs tout en restant flexible et adaptée aux petites structures, contrairement à la SA plus lourde.
Un actionnaire de société anonyme (SA) peut-il perdre plus que son investissement ?
Non, sauf cas de fraude ou de gestion fautive. En principe, la perte maximale correspond à la valeur des actions souscrites.